Poésie Grand débutant

Je fais des bonds. Hier, le 16e siècle, aujourd’hui le 20e. En relisant les derniers numéros, je me suis aperçu que j’avais envie de modernité comme un jeune couple a envie d’une nouvelle cuisine Ikea. « Là on mettrait les plaques, ici la hotte aspirante, à gauche les placards, oui à gauche pour laisser entrer la lumière dans la cuisine. » Autant de désirs à combler. Alors, oui le poème du jour ne comble pas les désirs, mais il laisse entrer la lumière sur les années vécues. Éclairant nos imm...

Qui ne s’est pas scruté nu un jour dans un miroir ? Qui n’a pas cherché dans les replis de son corps, la beauté et l’amour de soi. Qui ne s’est pas trouvé un jour enchanté par la forme de son mollet, l’arrondit de son ventre, la découpe d’une épaule ou le hâle de sa peau brune ? Chacun — ici chacune — a fredonné un jour sa chanson préférée en hommage à son reflet ou tout du moins à un des éclats de son corps magnifié par le sentiment d’être en vie au sortir de la douche. Marguerite aussi a jo...

Jacques, appelez-moi Jacques, mon père et ma mère m’ont appelé Jean, mais le nom avec lequel je sauvais ma vie et perdis mon amour est Jacques. J’ai toujours aimé chanter, mais ce jour-là, je fuyais à travers la campagne et je pleurais. Moi j’étions parmi les Picauds, comme on nous appelait à l’époque. Je m’étais révolté contre les nouvelles taxes sur le sel. On s’était rassemblé avec les amis près de l’église Sainte-Marie avec les fourches et les bâtons : on criait pour libérer nos compagnon...

La faiblesse est une fleur étonnante. Elle pousse partout dans notre jardin, sur le balcon de notre cuisine pour les plus urbains où enfouie sous le sable des marées basses. Souvent on l’oppose à la force, mais la faiblesse n’est pas bête, elle n’oppose à rien : elle s’évanouit. Elle tombe dans les pommes. Le ver est dans le fruit, encore il mange la pomme et la faiblesse tombe plus bas. « Badatra » : la faiblesse, c’est cassée la gueule. Elle ne se relève pas — non ; elle se refait une beaut...

Pour introduire cette newsletter dédiée à la mémoire d’Emily Pike*, je laisse la parole à Simon Ortiz, poète d’Acoma pueblo, qui répond à la question : pourquoi écrivez-vous ?** « Parce que les Indiens racontent toujours une histoire. La seule façon de continuer est de raconter une histoire et c’est ce que Coyote dit. La seule façon de continuer est de raconter une histoire et il n’y a pas d’autre moyen. Vos enfants ne survivront pas si vous ne leur racontez pas quelque chose sur eux-mêmes co...

Un plume, léger comme une plume, enchanteur comme le cri d'un oiseau ou le crissement de la pointe du stylo sur la page. La page blanche ouverte sur l'horizon. L'horizon léger comme un kilo de plumes face au plomb de l'existence. Dimanche, j'enfile une paire de ballerines pour faire du patin à glace. Dimanche, j'ouvre un poème comme un carton de pâtisserie. En faisant attention de ne pas abîmer l'éclair et la religieuse à l'intérieur. (image : Louis Aragon source domaine public) ShareLes appr...

An 1226, les Cathares sont derrière lui. Thibaut lance un regard au-dessus de son épaule vers le Rhône qu'enjambe le pont Saint-Bénézet. Belzébuth, Bénézet, l'assonance frappe l'oreille du chevalier trouvère comme le battant tape la cloche. Le mal d'Avignon, est-il du côté des cathares ou de celui du roi qu'il vient d'abandonner ? En fait peu chaut Thibaut de le savoir au moment de quitter le siège de la ville. Malgré son équipage, son cheval et l'air sucré de la provence si loin de sa champa...

C’est marrant. Une chanson de Gainsbourg, écrite par Nerval, sous le couvert de Dumas. Sans doute, Serge a croisé Gérard un soir de bombance à Saint-Germain-des-Prés. (La mère d’un ami disait après « Saint-Germain plus rien de sera jamais plus comme avant », basique.) Serge croise donc Gérard et lui pique un texte dans la poche. Il est coutumier du fait, Serge, il pille allégro la musique ancienne et les vieux poèmes — ça s’appelle la culture. Après, ce n’est pas très grave parce que Gérard e...

La littérature est un labyrinthe qui nous donne perpétuellement l'illusion d'approcher de la vérité selon Michel Leiris. En transcrivant ces lignes, je ne peux avouer qu'une seule chose : je vous ai menti depuis le début. Sous le fallacieux prétexte de vous faire découvrir de la poésie, je parle chaque semaine de ma vie, de mon âme en l'état à l'instant T du dimanche. Éternel ravi de la crêche, mon enthousiasme est à la hauteur de mon aveuglement. Pourquoi ai-je menti ? Sans doute à cause de ...

Ne hurlez pas ! Oui, la semaine dernière Poésie grand débutant n'est pas sortie et aujourd'hui, il sort un lundi. Le fruit d'un malheureux hasard de circonstances qui ne le sont pas moins. Rien de grave d'autre que la vie : vous aussi vous la connaissez, ses détours, ses surprises, sa manière d'être dont l'élégance est de ne pas rentrer dans sa robe en todo ou son manteau en kanban. Mais je ne vais pas me plaindre. Je vais laisser le poète le faire. Il le fait mieux et avec plus de chair. Oh ...