Pour introduire cette newsletter dédiée à la mémoire d’Emily Pike*, je laisse la parole à Simon Ortiz, poète d’Acoma pueblo, qui répond à la question : pourquoi écrivez-vous ?**
« Parce que les Indiens racontent toujours une histoire. La seule façon de continuer est de raconter une histoire et c’est ce que Coyote dit. La seule façon de continuer est de raconter une histoire et il n’y a pas d’autre moyen. Vos enfants ne survivront pas si vous ne leur racontez pas quelque chose sur eux-mêmes comment ils sont nés, comment ils sont venus à l’endroit où ils sont, comment ils y sont toujours. »
Des histoires, il y en aura toujours, ce qui compte aujourd'hui c'est raconter celle qui donne la vie/
* Emily Pike est une jeune native amérendienne retrouvée assassinée dans le désert en Arizona
** in Partition rouge : poèmes et chants des Indiens d'Amérique du Nord, éditions du Seuil
(image : Frances Densmore enregistrant un chef amérindien pied-noir en 1916 source Library of Congress )
Son nom raconte comment
cela se passait avec elle.
La vérité est qu'elle ne parlait pas en hiver.
Chacun avait appris à ne pas
lui poser de questions en hiver
une fois connu ce qu'il en était.
Le premier hiver où cela arriva
nous avons regardé dans sa bouche pour voir
si quelque chose y était gelé. Sa langue
peut-être, ou quelque chose d'autre au-dedans.
Mais après le dégel elle se remit à parler
et nous dit que c'était merveilleux ainsi pour elle.
Aussi, à chaque printemps
nous attendions, impatiemment
Via Samuel Makidemewabe, Partition rouge, Anthologie Poèmes et chants des Indiens d'amérique du Nord , Poésie /Gallimard
L’anecdote te permet d’aller plus loin, mais pas plus que les pieds du poète qui chausse du 41.
Samuel Makidemewabe n'a pas de date de naissance ni de mort. Conteur Cree, il a écouté et transmis les noms. « Dire le nom c’est commencer une histoire », selon lui . C'est l'écrivain Howard Alan Norman (1949- ?) qui l'a écouté et a passé sa parole. (Le message est dans le souffle pas dans la bouche qui parle)
Deux personnages importants ont servi de bouche pour nous transmettre les chants amérindiens jusqu'ici : Washington Matthews (1843 - 1905) et Frances Densmore (1867 - 1957). Le premier passa 20 ans de sa vie, à traduire du navajo Le Chant de la Nuit ou La Nuit des chants, la seconde passa sa vie à enregistrer et recueillir la parole des Indiens. (Qui écoute chante en même temps)
Tu peux m'écrire en répondant à ce mail ou me faire un vocal pour me demander un poème ou une dédicace. À dans quinze jours.
thibaux