La littérature est un labyrinthe qui nous donne perpétuellement l'illusion d'approcher de la vérité selon Michel Leiris. En transcrivant ces lignes, je ne peux avouer qu'une seule chose : je vous ai menti depuis le début. Sous le fallacieux prétexte de vous faire découvrir de la poésie, je parle chaque semaine de ma vie, de mon âme en l'état à l'instant T du dimanche. Éternel ravi de la crêche, mon enthousiasme est à la hauteur de mon aveuglement.
Pourquoi ai-je menti ? Sans doute à cause de mon ego très occupé à construire une petite histoire comme il les aime tant se les raconter. Une histoire de soi à suspendre sur la corde à linge de son petit jardin intérieur (avec vue sur la mer).
Et vous, pourquoi lisez vous Poésie grand débutant ? Ne vous mentez plus. Dîtes vraiment (vrai ment). Je vous laisse réfléchir (et me répondre si vous voulez), pendant ce temps là, je continue d'écrire pour tomber amoureux.
Je pense à toi
et ton image bâtit autour de moi une forteresse à
tel point inébranlable
que ni le bélier des nuages
ni la poix molle de la pluie
ne peuvent rien
ô ma citerne de silence
contre le mur percé d'étoiles dont tu m'as circonscrit
Les chiens rampent et les gens
jouent des coudes ou poussent des cris
Le manège sans orgue ni flonflons du monde
tourne
avec son auréole d'yeux d'enfants
jeu de bagues des Paradis
Je rêve en toi
ma citadelle sans fossés ni pont-levis
sans murs sans tours sans pierres ni mâchicoulis
Je m'endors en buvant le vin très dense de ton ombre
qui couvre de son architecture sans autre poids que celui
qui se compte aux balances d'obscurité et de lumière
tous les monts et tous les champs
toutes les vignes et tous les pays
Jadis
ma bouche narguait le beau temps
alors que mes regards ne redoutaient rien tant
que l'ouragan de l'univers
Ignorant si j'étais une bête
un arbre
un homme
des vents absurdes me drossaient
mes bras en tous sens battaient l'air
et mon destin tombait comme tombent des pommes
Mais aujourd'hui
ô toi si pâle
parce que tu es mon ciel et le double miroir qui multiplie les murs
et verse l'infini dans ma prison
j'écoute le sifflet des nuages
je ne crains plus rien ni personne
je parle aux neiges de l'hiver
Michel Leiris, , Haut Mal, Gallimard
L’anecdote te permet d’aller plus loin, mais pas plus que les pieds du poète qui chausse du 41.
Michel Leiris (1901 - 1990) épouse en 1296 Louise Godon, surnommée Zette, fille « naturelle » de Lucie Godon qui, pour sauver la morale (elle en a tant besoin), la fait passer pour sa sœur. Quelques années plus tard, par un tour de magie de la destinée (et de la sociologie bourdieusienne avant l'heure), il devient le beau fils du marchand d'art qui s'occupe de Picasso et est ami avec des poètes et peintres comme Max Jacob, Georges Braque ou Juan Gris. (Une famille haute en couleurs)
En 1942, Michel Leiris rencontre Sartre au Havre. La légende raconte que Michel prêtait alors une grande admiration au philosophe. Celui la lui rend toute sa vie mais sans intérêt. (La philosophie est un prêt à titre gratuit)
Tu peux m'écrire en répondant à ce mail ou me faire un vocal pour me demander un poème ou une dédicace. À la semaine prochaine.