Nuit. Plan large. Travelling avant.

Ta tête, les yeux gonflés du sommeil qui ne vient pas. Les soucis blancs et la chaleur de l’été qui empêchent de dormir.

Aucune pensée pourtant, le crépis gris du mur à droite, le tapis sournois à gauche. Et le plafond, au-dessus du lit, gris aussi. Beaucoup de « i ». Le sommeil n’en a qu’un que la nuit lui a volé ce soir.

Dans cette nuit impasse surgit une voix dans ta tête. Elle chante et rit sur le pavé, la petite fille de Mourguet. Madelon rigole de bon cœur de tes angoisses ; et — toujours bonne fille — armée de son bâton, légère et immortelle, elle fracasse le néant comme une noix de coco.

(Voix de marionnette, voix de fausset, aiguë, nasillarde, cassée, cassante, caquetante, édentée)

Quoi qu’a dit ?

– A dit rin.

Quoi qu’a fait ?

– A fait rin.

A quoi qu’a pense ?

— A pense à rin.

Pourquoi qu’a dit rin ?

Pourquoi qu’a fait rin ?

Pourquoi qu’a pense à rin ?

— A'xiste pas.

Jean Tardieu, Monsieur Monsieur, éditions Gallimard

L’anecdote te permet d’aller plus loin, mais pas plus que les pieds du poète qui chausse du 41.

• Enfant, Jean Tardieu (1903 - 1995) fréquente la rue Ballu dans le 9e arrondissement où siège la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD). Il rend visite le dimanche dans son hôtel particulier à sa marraine. C’est dans la même rue (mais à un autre numéro !) qu’il perd son pucelage. (Le temps passe comme un client dans un hôtel, il arrive et part sans prévenir)

• Adolescent, il subit une crise nerveuse et rencontre son double dans son miroir. Il n’aura de cesse alors d’essayer de le rattraper. (Le poète en kit ou double)

Tu peux m'écrire en répondant à ce mail ou me faire un vocal pour me demander un poème ou une dédicace. À la semaine prochaine.