#POGD 65 Art déco

Une poésie par semaine dans ta boite mail

Je ne sais pas chez vous, mais ici il pleut. Le carreau de la fenêtre laisse passer, et la lumière de l’éclair et le bruit des gouttes. Cliquetis mouillé et familier qui me rappelle combien le quotidien peut avoir la saveur de l’éternité. Ce moment où le temps s’installe sur son trône et triomphant nous prends par la main pour nous dire « Tu courrais après moi et moi j’ai toujours été à tes côtés ». Temps père aimant, ami fidèle que nous trompons trop souvent.

Mais qu’importe, père éternel, il nous a couchés une fois petit et depuis, nous dormons sous son aile. Et s’il n’est pas là et que nous nous relevions la nuit, inquiet ou furieux d’angoisse, perdu dans l’habitacle de la chambre à coucher, il laisse sur le mur sa présence rassurante. Une robe de chambre suspendue à la patère et deux lais de papier peint jauni par la clarté de la lune.


Les fleurs du papier de ta chambre

« Nous sommes sur le mur

Et ne sommes pas dures,

Nous avons un parfum

Plus léger que nature

Et qui sent un jardin

Dans les pays futurs

Ou les pays anciens,

C'est là notre parure.

Et nous nous répétons,

Du parquet au plafond,

Crainte d'être incomprises,

Parce que nous n'avons

Ni fraîcheur ni saisons

Ciel, abeilles ni brises ».

Une main sur le mur,

C'est l'enfant qui s'éveille,

Elle a grand'peur, allume,

Le papier de la chambre

À soi-même est pareil,

Il veille et l'accompagne.

Le pied touche le bois

Du lit toujours sérieux

Qui lui dit dans ses voix :

«Ce n'est pas l'heure encore

De partir pour l'école.»

Anita se rendort

Dans le calme parfum

De son papier à fleurs

Dont les belles couleurs

Ignorant le repos

Dans la nuit, à tâtons,

Sans se tromper jamais

Élaborent l'aurore.

Jules Supervielle, Le forçat innocent, éditions Poésie Gallimard

Anecdotes & Broutilles

L’anecdote te permet d’aller plus loin, mais pas plus que les pieds du poète qui chausse du 41.

  • Jules Supervielle (1884 - 1960) se découvre orphelin à huit ans (voir #pogd 47), son oncle n’est pas son père, sa tante n’est pas sa mère. Cette information crée chez le jeune enfant ce que les savants appellent aujourd’hui une filiation isocèle. Deux parents de même taille inconnue et un enfant du troisième côté de la vie. (l’absence est un facteur mathématique)

  • Marié, père de 6 enfants, officier de la Légion d’honneur, dernier poète a avoir été nommé « prince des poètes », on lui doit cette citation : « Je suis un parfait honnête homme. Je me dégoûte complètement. » (estime de soi dans les chaussettes en coton)

  • Avant de me quitter, laissez-moi un message sur mon répondeur où en répondant à cet email. Dites-moi ce que vous aimeriez lire dans les prochaines semaines ou mois.

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