#POGD 31 Poularde demi-deuil

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Autres temps, autres mœurs. Voilà que Gérard est autorisé à emmener sa cousine se promener aux Tuileries. Nous sommes début 19e siècle et le jardin parisien fait office d’Instagram : on s’y regarde, on s’y compare, on y flirt.

Bon. Nous sommes quand même en 1828, on ne s’y échange pas de dick pic sous le manteau et si scandale il y a c’est celui de la mort de Sardanapale. Dans son tableau Delacroix fait exploser la couleur et s’étouffer critiques et tenants du néo-classicisme.

Le romantisme est là. Gérard aussi.

Il tient le bras de sa cousine. Elle a froid (c’est une femme, nous sommes début 19e, la littérature écrit les choses comme ça). Il faut rentrer. En chemin, on se conte encore fleurette. Il reste encore une chance… De quoi ? De s’embrasser ? De rêver au brun ténébreux ou au jeune veuf que l’on vient de croiser sous les platanes ? Sans doute aimerait-on avoir le temps de les consoler.

Mais est-ce encore possible alors que le dîner attend ?

Gérard lui en a fait son deuil. La cousine sans doute aussi. Il reste la poésie.


La cousine

L’hiver a ses plaisirs ; et souvent, le dimanche,
Quand un peu de soleil jaunit la terre blanche,
Avec une cousine on sort se promener…
– Et ne vous faites pas attendre pour dîner,

Dit la mère. Et quand on a bien, aux Tuileries,
Vu sous les arbres noirs les toilettes fleuries,
La jeune fille a froid… et vous fait observer
Que le brouillard du soir commence à se lever.

Et l’on revient, parlant du beau jour qu’on regrette,
Qui s’est passé si vite… et de flamme discrète :
Et l’on sent en rentrant, avec grand appétit,
Du bas de l’escalier, – le dindon qui rôtit.

Gérard de Nerval, La bohème Galante, éditions Gallimard

Anecdotes & Broutilles

L’anecdote te permet d’aller plus loin, mais pas plus que les pieds du poète qui chausse du 41.

  • Gérard de Nerval (1808 - 1855) fait partie des nombreux écrivains fantômes qui mirent leur plume au service d’Alexandre Dumas. Ce dernier prit d’ailleurs sa défense face à ceux qui voulaient l’interner : « Alors, notre pauvre Gérard, pour les hommes de sciences, est malade, et a besoin de traitement, tandis que pour nous il est tout simplement, plus conteur, plus spirituel, plus gai, ou plus triste que jamais. » (Gérard hypersensible)

    Érudit, on doit à Gérard l’expression tour d’ivoire qu’il créa de toute pièce à partir du latin. « Il ne nous restait pour asile que cette tour d’ivoire des poètes où nous montions toujours plus haut pour nous isoler de la foule. » La dernière fois qu’il en descendit fut pour se pendre à un réverbère. (se donner la mort en éclairage public)

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