#POGD 60 La roue de la fortune

Une poésie par semaine dans ta boite email

Là où il y a la volonté, il y a un chemin. Cette citation apocryphe, attribuée à toute une multitude de personnages historiques, principalement Lénine, mais aussi Winston Churchill ou même Luther — Wo es eine Wille gibt, gibt es ein Weg — fleure bon le bonhomme et le dessous de bras poilu.

Ça décide, Ça avance dans la vie, en bien ou en mal d’ailleurs, mais Ça maîtrise son destin. Ça pu comme une aisselle à 18 heures entre Pont de Saint — Cloud et Mairie de Clichy. Odeur univoque baignant encore dans les effluves des années quatre-vingt-dix : boisées, muscs ou membrées.

On nous a mis dans le métro. La poésie nous en sort ; pas parce qu’elle est belle, non parce qu’elle parle de soi. Soi dans la neige ou dans l’adversité, soit dans le désir ou le regret. La poésie nous creuse dans l’instant présent, fût-ce six siècles auparavant.


(Et j’en ai toujours le désir, Et il ne date pas d’hier)


Ici, elle raconte comment elle n'a récolté que des résidus de l'héritage de son père

Mon père que j'ai mentionné

Ici, avait l'ardent désir

Et le ferme dessein d'avoir

Un fils mâle pour qu'il hérite

Et jouisse de ses richesses

Que les cadeaux n'entament pas,

Comme il disait, je me souviens.

Lui et la mère m'engendrèrent

D'un commun accord dans ce but,

Mais il manqua son objectif

Car ma mère, qui était bien

Plus puissante, voulait avoir

Une femelle à son image.

Et je naquis fille, c'est vrai ;

Mais ma mère fit tant pour lui

Que je ressemblais en tous points

Entièrement à mon père,

À la seule exception du sexe,

Mais dans mes gestes et mimiques,

Si bien que vous auriez pensé,

À propos de nos caractères,

Qu'ils étaient tout identiques.

Je reçus un prénom de fille

Et fus élevée avec soin

Et enthousiasme par ma mère,

Qui m'aimait et chérissait tant

Qu'elle m'allaita elle-même

Dès qu'elle m'eut donné naissance,

Veilla très bien sur mon enfance

Et favorisa ma croissance.

Alors je n'avais d'autre but

Et pas d'autre nécessité

Que de jouer, suivant l'usage,

Avec les enfants de mon âge.

Mais comme j'étais née fille,

Il n'était pas considéré

Que je puisse en rien hériter

De mon père, et je ne pus pas

Jouir des richesses qu'il puisa

Dans la fontaine somptueuse,

Par Coutume plus que par droit

Si le droit régnait, la femelle

N'y perdrait pas plus que le fils.

Mais en bien des lieux, la coutume

Gagne sur le droit, je le sais.

Pour cette raison, en tous lieux,

Je n'ai, faute d'éducation,

Pu puiser dans ce grand trésor ;

Cette coutume est consternante !

Car autrement, je le crois bien,

J'aurais été riche et comblée

Par le trésor de la fontaine,

Car j'avais bien la volonté

(Et j'en ai toujours le désir,

Et il ne date pas d'hier)

D'y puiser jusques au tréfonds.

C'est mon désir le plus profond,

Mais rien n'y vaut, c'est impossible

En raison de cette coutume,

Que Dieu la maudisse à jamais !

Je suis comme les amoureux

Ardents et brûlants de désir

Qui ne peuvent voir ni entendre

Ce dont ils voudraient jouir.

En tout cela, je leur ressemble,

Car je veux ce que je n'ai pas :

C'est le trésor que le savoir

Donne à tous ceux qui le révèrent.

Et même si j'étais femelle

Et ne pouvais en hériter,

J'y tendais naturellement

Du fait de mes dispositions.

Ma ressemblance avec mon père

Me poussa même à chaparder

Des résidus et des paillettes,

Des centimes et des piécettes

Tombés de l'immense trésor

Qui les contenait par milliers.

Et bien que j'en aie amassé

Trop peu pour mon avidité,

Tout ce que j'ai, je l'ai volé,

Et c'est une très maigre épargne :

Cela se voit à mon travail.

Pourtant ce que j'en ai gardé

M'est toujours d'un profit immense.

Rien d'autre n'est vraiment à moi :

Malgré les pertes infligées

Par Fortune, la fourbe abjecte,

Cela au moins, je l'ai gardé

Et jusqu'à ma mort, j'en jouirai.

Christine de Pisan,Le livre de mutacion de fortune in Écrire d'amour Parler de soi, Le livre de poche, édition et traduction Sarah Delale & Lucien Dugaz

Anecdotes & Broutilles

L’anecdote te permet d’aller plus loin, mais pas plus que les pieds du poète qui chausse du 41.

  • Christine de Pisan (1364 - 1430) perd son père à 80 ans, puis son mari de la peste. Elle se retrouve avec sa mère sa nièce, ses trois enfants à charge. Pour vivre, elle choisit la poésie, six siècles plus tard sa poésie nous choisit pour vivre. (transmutation)

  • La fortune dont parle Christine est cette roue qui tourne (hoho quel hasard) mettant plus bas que terre un seigneur, aujourd’hui et plus haut que ciel un paysan demain. Nul ne s’y fie. Prosaïque Christine en reconnaît l’existence sans pour autant en faire une loi. En reine, elle règne sur va vie. (gouvernante)

  • Avant de me quitter, laissez-moi un message sur mon répondeur où en répondant à cet email. Dites-moi ce que vous aimeriez lire dans les prochaines semaines ou mois.

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