#POGD 54 La mémoire à vélo

Une poésie par semaine dans ta boite mail

Un autre poète — ou était-ce un acteur ? — a chanté À bicyclette, mais aujourd’hui, c’est du sérieux. Nous montons à vélo, direction col de la mémoire dans le tour de France des souvenirs. Même pas les miens où les vôtres nous sommes tous et toutes ici trop jeunes. Nos cercueils ont encore des petites roues.

Non, aujourd’hui, nous partons pour la mémoire du poète qui est aussi la nôtre. La matrice reste la même seuls les souvenirs changent. Notre mémoire est un téléviseur allumé ou l’onglet favoris de nos vidéos préférées. Elle tourne en boucle. Mêlant les aspirations et défaites que nous avons vécues.

Cette vie ramassée dans nos têtes, dense compacte, inéluctable boucle qui tourne sans fin. Cette mémoire est une assise, non un canapé d’où regarder la vie. Nos héros continuent de vivre, leurs combats sont les nôtres, leurs défaites, nos larmes, leurs victoires, nos chants. Ils sont nos semblables. Fragiles et vainqueurs comme Amina Zidani en 2024 !


Dans le jardin de Brambilla

Depuis cent ans que l'âme espère à bicyclette

il y a les pédaleurs de fête il y a les tâcherons

nous les pleins d'eau qui savons mal souffrir

on peut nous suivre à nos ahans dans la campagne

aux autres le fort bruit de soie d'un vélo bien mené

aux bien en selle aux bien en ligne aux affûtés

j'ai dû laisser partir les échappés je suis trop lourd

avec ce poids je devrais bien descendre même pas

loin derrière moi je me traîne en grimaces

et puis j'en ai assez de sonder le mystère

enfantin de la douleur qu'on s'inflige à vélo

surtout que des odeurs viennent du bois me ralentir

laissons-nous glisser rentrons dans l'immanence

et c'est là que tout à coup je pense à Pierre Brambilla

ah ça chez lui pas de grâce visible

on lui avait construit la tête à coup de poing

il pédalait comme on pioche et comme on bousille

il aurait dû gagner le Tour en 47

l'année Gide l'année Robic un été bleu

à chaise longue et fables sous les mouches

(je lisais Rien qu'une femme en guignant le bourdon

qui pompait la glycine et j'allais me caresser

dans la chambre bleue du fond presque froide)

eh bien quand par défaut de grâce il a dû raccrocher

au lieu de pendre sa machine à un clou du garage

et de l'y regarder ternir sous la poussière ignoble

au lieu de la fourbir en chambre tous les jours

où des pignoufs seraient venus la peloter

un jour il prend sa bicyclette et lui parlant

comme il l'a tant fait jusque-là sur les routes

sans pardon pour lui et sans quartier pour elle

il l'enterre à tout jamais dans le jardin

Pierre Brambilla mort aujourd'hui dit La Brambille.

Ludovic Janvier, La mer à boire, Poésie /Gallimard

Anecdotes & Broutilles

L’anecdote te permet d’aller plus loin, mais pas plus que les pieds du poète qui chausse du 41.

  • Eugène Guillevic (1907, 1997), né à Carnac (Bretagne), fils de marin, fut arraché à sa terre natale lorsque son père se fît gendarme. La légende raconte que ce breton entendit parler français couramment pour la première fois à ses 20 ans. Une autre légende raconte que son enfance fût triste. (Corrélation n’est pas causalité)

    En 1926, il abandonne une « vie pauvre et étriquée en réussissant un concours de l’administration. » (Je vous laisse taper concours administratif 2024 sur google.)

  • Avant de me quitter, laissez-moi un message de rentrée sur mon répondeur où en répondant à cet email. Dites-moi ce que vous aimeriez lire dans les prochaines semaines ou mois.

Poésie Grand débutant logo
Subscribe to Poésie Grand débutant and never miss a post.
#ludovic janvier#poesiegd#poésie grand débutant#pogd#amina zidani#tour de france#jo 2024#boxe#vélo#art
  • Loading comments...