#POGD 70 Vas-y Géant Jones (JO Remix)

Un poème par semaine dans ta boîte mail

Je me souviens. Je me souviens de cette salle de boxe derrière le hangar. Les cris, la foule aux abois à chaque uppercut, chaque esquive réussie. Des hommes, des femmes, le coach les yeux hagards gueulant sur son poulain. Le bruit mat des coups, le craquement des os (main de fer dans un gant de cuir), la vibration du gong qui arrête où démarre tous les coups. Le sifflet de l’arbitre.

Il s’est battu ce soir-là Géant Jones, battu à mort (avant de partir à la retraite par KO). Il a gagné le ciel. L’horizon des boxeurs dont le seul combat est celui contre soi-même. Douloureux et indispensable.

Après lui d’autres victoires viendront — Ô Amina Zidani — (la main qui arrachera l’or et le fer de la tour Eiffel), d’autres Champs Élysées. Et en contrebas de l’avenue, dans une rue perpendiculaire résonneront aussi les notes d’un piano. Libéré de ses gants, Géant Jones continuera son combat, deux mains qui courront sur le clavier. Il prendra le nom d’Eddie (nom d’artiste de sa mère) et jouera toute la nuit pour que dans ce nouveau cabaret la flamme des amoureux continue de briller.


Eddie avait vieilli

assis à son piano

Joue joue joue joue Eddie tu es comme un vieil ange

Jazz et mélancolie

Elle pose sa joue et met ses cheveux d'ange

si doux

dans mon cou

L'amour est un halo

Joue joue joue joue

Eddie

vieil ange de Soho

Où avais-tu appris

ces airs à fleur de peau

mortel et tendre écho

du rêve et de l'ennui

Joue joue joue joue Eddie tu as des ailes d'ange

Jésus est par ici

il t'écoute et il pleure Eddie tu es son ange

chéri

Ô chérie

quelque chose en nous meurt

Joue joue joue joue Eddie

notre temps et sa peur

Joue joue joue joue Eddie elle a des lèvres d'ange

Jésus jazz et folie

L'amour la mort nos corps nous sommes de vieux anges

déchus

mais nous aimant encore

Joue joue joue joue

Eddie

pendant que Londres dort

Joue joue joue joue Eddie

Joue

joue Il pleut fort au-dehors

joue Sa bouche que je mord

joue

que l'amour est amer et qu'amère est la mort

Mes mains vivent son corps

Soho est un tombeau

Joue joue joue joue Eddie

tous les enfants sont morts

Jazz Eddie on s'en fout

tu es l'ange du sort

Joue

joue

joue

joue

Encore

Louis Calaferte, Londonienne, Poésie Gallimard

Anecdotes & Broutilles

L’anecdote te permet d’aller plus loin, mais pas plus que les pieds du poète qui chausse du 41.

  • À la sortie de son premier livre, Requiem des innocents, Louis Calaferte (1928 - 1994) est tellement pauvre que son éditeur lui avance l’argent pour s’acheter un costume pour les photos de promotion. (être rhabillé pour les livres)

    Entier et impatient, Calaferte est aussi très exigeant avec ses comptemporains. Un jour attablé à la terrasse d’un café, il s’attaque avec gourmandise à Climats d’André Maurois. Au bout de trois lignes, il s’arrête heurté par une phrase et s’exclame emphatique « J’abandonne ». (L'abandon fait le larron)

  • Avant de me quitter, laissez-moi un message sur mon répondeur où en répondant à cet email. Dites-moi ce que vous aimeriez lire dans les prochaines semaines ou mois.

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