#POGD88 La boulangerie de la rue Firmin - Gillot

Une poésie par semaine dans ta boîte mail

D’aucuns le savent, je suis né rue Firmin - Gillot. À l’angle et en haut de la rue (la rue Firmin - Gillot est en pente), Il y avait une boulangerie. On y vendait, des éclairs, des religieuses, des Paris - Brest et des tartes aux pommes. Des bonbons à l’unité aussi.

La boulangère était gentille, sans en faire trop, elle était commerçante. Plus tard, adolescent, je lui achetais une baguette à quatre heures. J’en faisais quatre tartines sur lesquelles je rajoutais, à la manière dont on pose la carrelage, des plaques de beurre. Je recouvrais le tout de la confiture d’abricot de ma mère. Elle laissait dedans les noyaux amers des abricots.

De cette boulangerie, j’ai gardé le souvenir des murs couleur crème pâtissière marbré en bas d’un bandeau couleur chocolat. Je n’en pas plus de souvenirs ; il me reste juste la conviction d’y avoir oublié, où mon porte-monnaie où une partie de mon âme.


L'âme du boulanger

Mon âme et moi, nous nous voyons très peu :

Elle a sa vie et ne m’en parle guère.

Je connais mas ses loisirs oublieux,

Moi, je n’ai pas le temps; j’ai mes affaires

Un boulanger, ça ne dort pas beaucoup ;

Toujours le four qui ronfle et la levure

En mal d’amour dans la pâte au long cou.

Pâte et pétrin, voilà mon aventure.

Ma pâte est chair que j’engrosse des mains,

Ma forte fille au ventre chaud et grave,

Ma femme lisse et ma pliante esclave,

Tous mes élans aboutis jusqu’au pain.

L’autre divague et court la prétentaine !

Quand son museau se blottit sous mes bras,

Je sens un souffle étreint d’histoires vaines

Au lendemain de quel fol opéra !

Comment savoir d’où lui viennent ces robes

Où parfois brille une grenaille en feu

Et qui ressemble aux flammèches des globes

Qu’on voit cligner dans l’épaisseur des cieux.

Moi, ruminer ses conseils saugrenus,

Moi l’écouter, faisant la bête ou l’ange ?

Elle exagère ! Et l’instant est venu

Que je me plonge à fond dans ma boulange.

Ah ! pauvre jeune biche, âme farouche,

Dors bien, mais dors. Et n’ouvre pas les dents.

Promène un peu tes cheveux sur ma bouche,

Puis laisse-moi. La farine m’attend.

Geo Norge, in Anthologie de la poésie française du 20° siècle, éditions Poésie Gallimard

Anecdotes et broutilles

L’anecdote te permet d’aller plus loin, mais pas plus que les pieds du poète qui chausse du 41.

  • Geo Norge (1898 - 1990), né à Molenbeek-Saint-Jean, fait partie de la longue longue lignée de poètes belges belges. La Belgique, petite nation, permet d’être deux fois soi là où l’ego français ne laisse de la place qu’à une personne. (et pas toujours la meilleure)

  • Les critiques disent de lui qu’il trouva sa voie, après quelques tâtonnements, dans Avenue du Ciel, un recueil de 38 poèmes. (Les vrai poètes ont la tête dans les nuages)

Tu peux m'écrire en répondant à ce mail ou me faire un vocal pour me demander un poème ou une dédicace. À la semaine prochaine.

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