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#POGD 97 Montparnok - Oklahomasse

Une poésie par semaine dans ta boite mail

Il faudrait pour accompagner ce poème des tambours. Au moins une basse profonde comme dans une chanson de Nick Cave ou des Cure. Il faudrait aussi du jazz, un son de trompette comme les doigts d’une couturière sur un ourlet que l’on reprend.

La vie est un métier sur lequel on remet cent fois son ouvrage. D’où que l’on soit, de Monparnok ou d’Oklahomasse qui sont les deux terres de la poésie ou les deux ciels, ou les nuages (les merveilleux nuages !) ou encore un rire qui grandit dans la rue comme un enfant qui chante.

La vie est un métier à tisser les rêves montée sur un cheval de course.


COURS-LES TOUTES

À Benjamin Péret

Au cœur du territoire indien d’Oklahoma

Un homme assis

Dont I'œil est comme un chat qui tourne autour d’un pot

de chiendent

Un homme cerné

Et par sa fenêtre

Le concile des divinités trompeuses inflexibles

Qui se lèvent chaque matin en plus grand nombre du

brouillard

Fées fâchées

Vierges à l’espagnole inscrites dans un étroit triangle isocèle

Comètes fixes dont le vent décolore les cheveux

Le pétrole comme les cheveux d’Éléonore

Bouillonne au-dessus des continents

Et dans sa noix transparente

A perte de vue il y a des armées qui s’observent

Il y a des chants qui voyagent sous l’aile d’une lampe

II y a aussi l’espoir d’aller si vite

Que dans tes yeux

Se mêlent au fil de la vitre les feuillages et les lumières

Au carrefour des routes nomades

Un homme

Autour de qui on a tracé un cercle

Comme autour d’une poule

Enseveli vivant dans le reflet des nappes bleues

Empilées à l’infini dans son armoire

Un homme à la tête cousue

Dans les bas du soleil couchant

Et dont les mains sont des poissons-coffres

Ce pays ressemble à une immense boîte de nuit

Avec ses femmes venues du bout du monde

Dont les épaules roulent les galets de toutes les mers

Les agences américaines n’ont pas oublié de pourvoir à ces chefs indiens

Sur les terres desquelles on a foré les puits

Et qui ne restent libres de se déplacer

Que dans les limites imposées par le traité de guerre

La richesse inutile

Les mille paupières de l’eau qui dort

Le curateur passe chaque mois

Il pose son gibus sur le lit recouvert d’un voile de flèches

Et de sa valise de phoque

Se répandent les derniers catalogues des manufactures

Alliés de la main qui les ouvrait et les fermait quand nous étions enfants

Une fois surtout une fois

C'était un catalogue d'automobiles

Présentant la voiture de la mariée

Au speader qui s'étend sur une dizaine de mètres

Pour la traîne

La voiture de grand peintre

Taillée dans un prisme

La voiture de gouverneur

Pareille à un oursin dont chaque épine est un lance-flammes

Il y avait surtout

Une voiture noire rapide

Couronnée d'aigles de nacre

Et creusée sur toutes ses facettes de rinceaux de cheminées de salon

Comme par les vagues

Un carrosse ne pouvant être mû que par l'éclair

Comme celui dans lequel erre les yeux fermés la princesse Acanthe

Une brouette géante toute en limaces grises

Et en langues de feu comme celle qui apparaît aux heures fatales dans le jardin de la tour Saint-Jacques

n poisson rapide pris dans une algue et multipliant les

Coups de queue

Une grande voiture d'apparat et de deuil

Pour la dernière promenade d'un saint empereur à venir

De fantaisie

Qui démoderait la vie entière

Le doigt a désigné sans hésitation l'image glacée

Et depuis lors

L'homme à la crête de triton

A son volant de perles

Chaque soir vient border le lit de la déesse du mais

Je garde pour l'histoire poétique

Le nom de ce chef dépossédé qui est un peu le nôtre

De cet homme seul engagé dans le grand circuit

De cet homme superbement rouillé dans une machine neuve

Qui met le vent en berne

Il s'appelle

Il porte le nom flamboyant de Cours-les toutes

A la vie à la mort cours à la fois les deux lièvres

Cours ta chance qui est une volée de cloches de fête et d'alarme

Cours les créatures de tes rêves qui défaillent rouées à leurs jupons blancs

Cours la bague sans doigt

Cours la tête de l'avalanche

André Breton, Poètes d'aujourd'hui, Seghers

Anecdotes et broutilles

L’anecdote te permet d’aller plus loin, mais pas plus que les pieds du poète qui chausse du 41.

  • André Breton (1896, 1966), jeune et impécunieux fût engagé chez Gallimard par l’entremise de Gide et Valéry. Il corrigea sur épreuve un ouvrage de Marcel Proust (Breton y laissa des coquilles, car il aimait les fruits de mer)

  • À la libération de Paris, une balle perdue partit du boulevard pour atterrir dans l’appartement d’André Breton et plus précisément dans un masque du poète Eluard. (Balle les masques)

Tu peux m'écrire en répondant à ce mail ou me faire un vocal pour me demander un poème ou une dédicace. À la semaine prochaine.

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