#POGD 90 En latin dans le texte

Une poésie par semaine dans dans boite mail

Je vous écris tard ; j’ai des excuses : six muffins aux chocolats qui refroidissent sur la cuisinière. (Quatre, quand je reprends ma rédaction, entre temps deux ont servi de goûter).

Quatre sont d’ailleurs les vers qui ont attiré mon regard ce matin dans le poème du jour. Quatre vers qui m’évoquent la vanité du temps. Je meurs chaque jour (la science et ses cellules me le prouvent) et à attendre la fin, je perds mon temps.

La fin ne fait pas attendre (les muffins, non plus, ils avaient cuit 3 minutes de trop), elle est là. Paisible et lovée comme un chat sur nos genoux, elle est l’intuition qui me permet de contempler l’éternité.


Réflexions diverses

(extraits)

I

Que l'homme connait peu la mort qu'il appréhende.

Ouand il dit qu'elle le surprend !

Elle naît avec lui : sans cesse lui demande

Un tribut dont en vain son orgueil se défend.

Il commence à mourir longtemps avant qu'il meure :

Il périt en détail imperceptiblement.

Le nom de mort qu'on donne à notre dernière heure

N'en est que l'accomplissement.

II

Êtres inanimés, rebuts de la nature,

Ah ! que vous faites d'envieux !

Le temps loin de vous faire injure

Ne vous rend que plus précieux.

On cherche avec ardeur une Médaille antique :

D'un Buste, d'un Tableau le temps hausse le prix,

Le voyageur s'arrête à voir l'affreux débris

D'un Cirque, d'un Tombeau, d'un Temple magnifique,

pour notre vieillesse on n'a que du mépris !

III

De ce sublime esprit dont ton orgueil se pique,

Homme, quel usage fais-tu ?

Des plantes, des métaux, tu connais la vertu,

Des différents pays les meurs, la politique,

La cause des frimas, de la foudre, du vent,

Des Astres le pouvoir suprême :

Et sur tant de choses savant

Tu ne te connais pas toi-même !

[...]

IX

On croit être devenu sage,

Quand après avoir vu plus de cinquante fois

Tomber le renaissant feuillage,

On quitte des plaisirs le dangereux usage :

On s'abuse. D'un libre choix

Un tel retour n'est point I'ouvrage

Et ce n'est que l'orgueil dont l'homme est revêtu

Qui tirant de tout avantage,

Donne au secours de la vertu

Ce qu'on doit au secours de l'âge.

[...]

XI

L'encens qu'on donne à la prudence

Mets mon esprit au désespoir.

A quoi donc nous sert-elle ? À faire voir d'avance

Les maux que nous devons avoir.

Est-ce un bonheur de les prévoir ?

Si la cruelle avait quelque règle certaine

Qui pût les écarter de nous,

Je trouverais les soins qu'elle donne assez doux :

Mais rien n'est si trompeur que la prudence humaine.

Hélas ! presque toujours le détour qu'elle prend

Pour nous faire éviter un malheur qu'elle attend,

Est le chemin qui nous y mène.

[...]

XVII

Oue l'esprit de l'homme est borné !

Quelque temps qu'il donne à l'étude.

Quelque pénétrant qu'il soit né,

Il ne sait rien à fond, rien avec certitude :

De ténèbres pour lui tout est environné :

La lumière qui vient du savoir le plus rare

N'est qu'un fatal éclair, qu'un ardent qui l'égare,

Bien plus que l'ignorance elle est à redouter.

Longues erreurs qu'elle a fait naître,

Vous ne prouvez que trop que chercher à connaître

N'est souvent qu'apprendre à douter.

Antoinette Deshoulières, De la rose alors ne reste que l'épine, Poésies (1659 - 1694), Poésie Gallimard

Anecdotes et broutilles

L’anecdote te permet d’aller plus loin, mais pas plus que les pieds du poète qui chausse du 41.

  • Antoinette Deshoulières (1638 - 1604) s’exile à Bruxelles après la fronde (son mari a choisi le camp des ennemis du roi). Emprisonnée en 1657 par les Espagnols, elle découvre alors Descartes (en prison il faut bien se faire une raison)

  • Les quatre derniers vers de la première réflexion, sont une traduction presque littérale de Sénèque : « Sic ultima hora, qua esse desinimus, non sola mortem facit, sed sola consummat » : « Ainsi, notre heure dernière ne fait pas à elle seule notre mort, mais seule elle la consomme. » (L’addition et on y va)

Tu peux m'écrire en répondant à ce mail ou me faire un vocal pour me demander un poème ou une dédicace. À la semaine prochaine.

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