#POGD 84 JO et poésie

Une poésie par semaine dans ta boîte mail

Il y aurait tant à dire sur Christine de Pizan. Mais d'abord, je crois qu'il faudrait la lire, la lire pour comprendre comment elle s'est retrouvée au milieu de Louise Michel et Simone de Beauvoir (entre autres) sur un quai de la Seine, une soirée pluvieuse de juillet.

La dernière fois que je l'ai aperçue, Christine était en pleine tempête, en proie au désespoir, son mari et capitaine venait de sombrer dans les flots. Elle, désespérée, pensait ne jamais revoir le bonheur.

Et pourtant, Fortune qui l'avait mise là, l'y enleva par un curieux subterfuge. Pour la sauver, elle la transforma en .. Il sera trop rapide et anachronique de déduire des choses de cette nouvelle forme.

Ce qu'il faut retenir, il me semble, c'est d'accepter la grâce d'être touchée et d'accueillir la vie d'où qu'elle vienne aussi surprenante soit elle, comme la poésie,quoi.


Le livre de la mutation de Fortune (extrait)

Et je croyais ne jamais plus

Pouvoir me trouver autre part

Que dans cette mer qui sépare

Joie et Deuil : je pensais passer

Là ma vie, au côté sinistre

Du bonheur qui m'avait bannie,

Me laissant seule et ébahie.

Mais ça n'en est pas resté là :

J'ai depuis bien couru sur terre.

Pour résumer, ma peine était

Si profonde et mes pleurs si grands

Que même Fortune eut pitié

De mes malheurs et m'apporta

Son secours, en bonne maitresse.

Pour me tirer de ma détresse.

Mais ce secours fut très curieux,

Et peut-être plus dangereux.

Brisée à force de pleurer,

Un jour, exténuée, glacée,

Je m'endormis de tout mon long

Vers la fin de l'après-midi.

Alors vint à moi ma maîtresse,

Qui souvent détruit toute joie.

Elle me toucha tout le corps,

Prit chaque membre dans ses mains

Et les mania, je m'en souviens,

Puis s'en alla, me laissant là.

Et, dérivant selon les vagues,

Notre navire s'en alla

Se fracasser contre un rocher.

Je m'éveillai ; et c'est alors

Qu'aussitột, sans erreur possible,

Je me vis toute transmuée :

Je sentais mes membres plus gros

Qu'avant, et la grande détresse

Et la peine où j'étais plongée

Moins puissantes. Je m'auscultai

Moi-même, tout abasourdie.

Fortune donc me prouva qu'elle

M'aimait en me transmuant tel,

Car la terreur et les angoisses

Qui me consumaient entière

Soudainement se transformèrent :

Je me sentis bien plus légère

Qu.auparavant, et mon visage

s'était mué, comme élargi,

Et ma voix me semblait plus grave

Et mon corps plus dur et plus preste.

Mais l'anneau qu'Hyménée avait

Donné m'était tombé du doigt ;

J'en souffris, et comme il se doit,

Car i'y étais très attachée.

Donc je me levai prestement,

Ne paressant plus dans les plaintes

Qui accroissaient ma détresse.

Je m'ébahis de me trouver

Le cœur fort et hardi, et vis

Que j'étais bien devenu homme.

Christine de Pizan, Écrire d'amour Parler de soi, le livre de poche

Anecdotes et broutilles

L’anecdote te permet d’aller plus loin, mais pas plus que les pieds du poète qui chausse du 41.

  • Christine de Pizan (1364 - 1430) clashe Guillaume de Lorris et Jean de Meung dans son « Livre des épîtres du débat sur le Roman de la Rose ». Elle y dénonce la misogynie et les allusions sexuelles des deux auteurs dans le roman éponyme. (Des épines pour les pines, sur cette formule, j'avoue tu peux te désabonner)

  • Christine de Pizan est considérée comme la premières « Homme de lettres » (sic) de la littérature française. Elle fait partie des 10 femmes glorifiées dans le tableau Sororité de la cérémonie d'ouverture des jeux olympiques à Paris en 2024. (La poésie est un sport Olympique)

Et voilà, ta lecture ici s'achève, merci de m'avoir lu. Si d'ici la semaine prochaine tu as une autre envie de poésie,dis le moi, je me fierais à ton choix.

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