Il est temps de partir. De fermer la porte derrière soi. Le deuil est terminé. Le monde ancien n’est plus qu’une image. Rester sur place est une douleur. Les fourmis s'emparent des jambes et la tête lourde ont besoin d'air frais.
Bâton de marche et baluchon sur l'épaule, la vie doit se réinventer pour vivre (sic). C'est le printemps en juin — hors saison. Le temps ? Tiens, retroussons-le comme un pantalon sur les chevilles.
Gagnons pieds nus l'eau vive du torrent.
Très haut amour, s'il se peut que je meure
Sans avoir su d'où je vous possède,
En quel soleil était votre demeure
En quel passé votre temps, en quelle heure
Je vous aime,
Très haut amour qui passe la mémoire,
Feu sans foyer dont j'ai fait tout mon jour,
En quel destin vous tracez mon histoire,
En quel sommeil se voyait votre gloire,
Ô mon séjour...
Quand je serai pour moi-même perdue
Et divisée à l’abîme infini,
Infiniment, quand je serai rompue,
Quand le présent dont je suis revêtue
Aura trahi,
Par l’univers en mille corps brisée,
De mille instants non rassemblés encor,
De cendre aux cieux jusqu’au néant vannée,
Vous referez pour une étrange année
Un seul trésor
Vous referez mon nom et mon image
De mille corps emportés par le jour,
Vive unité sans nom et sans visage,
Cœur de l’esprit, ô centre du mirage
Très haut amour.
Catherine Pozzi, Poèmes, Collection Métamorphoses LV, Gallimard
L’anecdote te permet d’aller plus loin, mais pas plus que les pieds du poète qui chausse du 41.
« À vingt-cinq ans, elle épousa Édouard Bourdet. » Certaines phrases sonnent comme des épitaphes, même si dans la réalité c’est la tuberculose qui emporta à cinquante deux ans, Catherine Pozzi (1882 - 1934). Entre-temps, elle eut son bac à trente-six ans, vécut huit ans de liaison secrète avec Paul Valéry et publia « AVE » dans la NRF du 1er décembre 1929. (Le temps, cet entrechat de la vie à la mort)
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