Savez-vous faire la différence entre la lucidité et le discernement ? Ces deux yeux qui louchent. La première énumère les faits, le second les transforme en autant de bâtons de marche.
Des bâtons qui brûlent à la manière des torches dans la nuit. Les trois poèmes du jour sont de ce bois-là. Ils nous rappellent implacables, la marche du monde (ne pas confondre avec celle du progrès).
Que pouvons-nous faire dans un monde où nous ne maîtrisons rien ? À cette question la lucidité répond rien, justement. Le discernement lui, brille encore dans les mains des femmes et des hommes de bonne volonté.
Rubaïyat
(trois quatrains)
1.
Quand nous n'y serons plus, le monde sera la ;
Nulle trace de nous alors ne restera.
Ce monde où nous n'avions, avant, pas d'existence.
Tout pareil, après nous, il se conservera.
2.
Vais-je longtemps poser des briques sur la mer ?
Idolâtres, croyants, j'en ai dégoût amer.
Qui donc peut m'affirmer : Khayam l'enfer existe ?
Qui fut au paradis ? Qui revint de l'enfer ?
3.
Tu n'as pas aujourd'hui de prise sur demain,
Mais y songer c'est se donner l'esprit chagrin.
Ne gâche pas l'instant tandis que ton coeur veille :
Ce qui te reste à vivre est encore incertain.
Les chants d'Omar Khayam, édition critique de Sadehg Hedayat, éditions José Corti
Anecdotes & Broutilles
L’anecdote te permet d’aller plus loin, mais pas plus que les pieds du poète qui chausse du 41.
Omar Khayam, poète astronome et mathématicien persan (1048 [?] - 1131) est surtout connu en poésie pour ses Rubaïyat (quatrains). On lui en attribue d’ailleurs beaucoup plus que de raison. Sadegh Hedayat rappelle dans son introduction que « N’importe quel mollah débitant un poème après une cuite secrète, effrayé à l’idée d’être incriminé, l’attribuait à Khayam. » (On ne prête qu’au riche).
Directeur de l’institut d’Ispahan, il réforme le calendrier persan en démontrant qu’une année fait 365 242 198 jours, calcul plus précis que celui effectué pour le calendrier grégorien cinq siècles plus tard. (Khayam perçant en mathématique — vous l’avez ?)
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